Camille

Camille est une des personnalités les plus originales et les plus attachantes d’un club qui en a vu défiler beaucoup. Célibataire, retraité depuis peu, il vit dans la maison de son « défunt père » située non loin de Vayres et qui constitue le point d’entrée Novembre Echo de l’aérodrome privé de Bataillou.

Seuls les anciens le connaissent bien car il fréquente beaucoup moins qu’autrefois le club mais il est très assidu aux repas d’assemblée générale. Camille est aimé de tous, sans doute à cause de son naturel assez inattendu dans un aéro-club.

Un jour, dans le début des années 70, il passe sur la nationale 141 en bordure de l’aérodrome sur son pétarou et voit décoller un avion. Il se renseigne aussitôt et sa formation de pilote commence sous la direction de Maryvonne, épouse de Bernard Chauvreau, hélas disparue depuis. Terrorisé lors de son premier vol en double commande, il passe sa tête sous le tableau de bord du Jodel tandis que Maryvonne le rassure à grand peine. Malgré son appréhension initiale, sa formation sur avion se poursuit et s’achève puis, son brevet de pilote obtenu, il se convertit au vol à voile et acquiert toutes ses qualifications planeur à l’ALSA ( Association Limousine des Sports Aériens à Limoges Bellegarde )

En 1988 , il achète son Pik 30 à « Issoire Aviation » dans des conditions extraordinairement pittoresques qui mériteraient largement la réalisation d’un téléfilm. Certains experts régionaux déclarent avec autorité qu’il n’est pas fichu de piloter ce superbe planeur,  pas même de le ramener sans dommages d’Issoire à Saint-Junien. En fait, Camille fera des centaines d’heures sur son Pik 30 dans les années 90 et 2000, avec évidemment mille exploits épiques dont une paralysie totale de l’aérodrome lorsqu’il tombe en panne moteur après son atterrissage à Toussus le Noble où, fortuitement, le contrôleur, furieux dans sa tour, s’avère être l’un de ses anciens copains de l’ALSA. Ou encore un « vachage » autour de Noël, dans le Lot, sans casse heureusement, mais suivi d’un kidnapping par les naturels de ces contrées inhospitalières qui le prennent pour un martien et le contraignent à réveillonner avec eux.

Camille, presque toute sa vie, a coupé à domicile des gants pour une entreprise de Saint-Junien où il les portait chaque lundi matin.

Dans sa résidence qui évoque la vie à la campagne au début du XXème siècle – mais avec des anachronismes tout à fait inattendus comme la télévision – une trappe donne accès, sous sa chambre, à une cave du genre abri anti-atomique où, grâce aux productions de son superbe jardin potager, il a de quoi survivre à une alerte de plusieurs mois. Derrière la table de travail de son atelier où il coupait ses gants parmi un élevage considérable de toiles d’araignées, alignés sur des étagères, vingt volumes des œuvres complètes de Victor Hugo, édition du Club français du livre 1969 attestent que notre aviateur est aussi un honnête homme.

Mais revenons-en au PIK 30, planeur monoplace à dispositif d’envol incorporé. Une trappe est aménagée derrière le cockpit, d’où sort un support qui se dresse verticalement, muni de l’hélice actionnée par le moteur, ce qui permet au pilote de décoller et de gagner des ascendances sous les cumulus à quelques centaines de pieds ou plus. Après quoi, en fonction de ce qu’il trouve, il rentre le tout et dispose d’un magnifique planeur avec lequel il fait du vol à voile selon les règles de l’art. En cas de besoin, il lui est toujours loisible de ressortir hélice et moteur pour gagner l’aérodrome prévu.

 

Au début de ses exploits, il lui est arrivé quelquefois d’oublier de sortir le train d’atterrissage, c’est à dire la roue unique sous le ventre du Pik 30, avant de se poser. Mais sans conséquences graves. Par la suite, pour  ne pas oublier la manœuvre, il avait pris l’habitude d’annoncer à la radio, en phase d’approche, en roulant bien les « r » de sa voix tonitruante relayée par les haut-parleurs : » Saint-Junien, Papa Juliette en vent arrrièrrre, le trrrain il est sorrrti et verrrouillé !  » à la grande joie de tous.

Tout cela à l’imparfait pour diverses raisons dont la santé de Camille qui ne rajeunit pas, lui non plus…Mais il lui est bien difficile de dételer définitivement et chaque année qui commence le voit faire de nouveaux projets.

Camille est un sage, mais à la manière des aviateurs. En1989, lors de ma première navigation un peu lointaine (Salon de Provence) je lui avais demandé, ainsi qu’à Philippe Mayence, de nous accompagner, ma femme et moi, pour nous aider de leur expérience. Sur la fréquence de Limoges, alors que j’indique notre destination au contrôleur, ce dernier me confirme la présence d’orages sur le Massif Central pour notre retour prévu en fin de journée. Je me retourne alors vers Camille pour lui demander son avis avant de prendre ma décision et j’ai encore en mémoire sa réponse péremptoire :  » Garrrde ton cap ! » …………………..

Camille

 

 

 

 

 

 

 

 

© Jean-Louis Maisonnet

 

 

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